Isère Sourire : La Voix est Livre

Isère Sourire : La Voix est Livre

Les Erections Américaines

 

Voilà le compte rendu que j'avais fait pour ce livre lu à l'occasion de sa sortie, il y a plusieurs années :

 

Je viens juste de terminer la lecture des Erections Américaines d'Amanda Sthers. Voilà un livre très curieux. Voilà un livre qui questionne, qui surprend. Il possède autant d'atouts que de défauts. C'est un livre original et pour cette même raison très singulier.
Certes il comporte une tentative de réflexion à travers l'ambitieuse analyse du profil psychologique d'Adam Lanza, tueur en série. Il est l'auteur de la tuerie de l'école de Sandy Hook en 2012 dans l'Etat du Connecticut aux Etats-Unis. Mais là où le bas blesse  c'est qu'on ne comprend pas très bien ce qu'est ce livre. Placé dans la catégorie des romans par l'auteur, il se réclame à la fois essai sociologique et enquête journalistique. Mais s'il est un essai sociologique, il est mauvais.
En effet, la thèse défendue par l'auteur, à savoir "les tueries de masse seraient l'oeuvre de personnes en état de frustration sexuelle", ne tient pas. Et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord l'histoire de la criminologie nous a montré qu'il y a de nombreux psychopathes qui sont mariés et souvent même père de famille (cf : l'affaire Marc Dutroux, l'affaire Fourniret et tant d'autres....). Du coup ces tueurs-là ont bien une vie sexuelle normale (ou anormale) ce qui ne les empêche pas de tuer. Ensuite, une véritable étude sociologique impliquerait d'avoir testé l'hypothèse à partir de questionnaires pointus, sur des échantillons de populations de criminels en univers carcéral.
Or visiblement cela n'a pas été le cas. En quand bien même cela aurait été fait, il faudrait encore qu'il y ait une mise en perspective des résultats à travers le prisme de la sociologie.

Si le livre est une enquête journalistique, elle est bien maigre car comme l'ont déjà dit de nombreux critiques littéraires à propos de cet ouvrage (qui divise l'opinion même si celle-ci a de plus en plus tendance à pencher du mauvais côté), aucune interview ou recherche d'informations sérieuses n'ont été entreprises. Voilà donc deux casquettes qui ne peuvent réellement coiffer ce livre.
 Reste maintenant l'hypothèse du livre de psychologie. Mais là encore, le bouquin ne parvient pas à convaincre les lecteurs. La réflexion n'est pas suffisamment étayée par les concepts psychanalytiques et surtout trop globalisante alors que la psychologie traite souvent du cas par cas.
Un roman comme la couverture l'indique ? Là encore on est un peu perdu car l'auteur parle à la première personne et se nomme au fil du récit ce qui donne souvent l'impression qu'il s'agit d'une autobiographie. Notamment quand elle dit "Je passe des nuits en boîte, j'embrasse, je bois, je vomis (...) Mais le jour d'après je suis une maman, je suis à l'heure aux rendez-vous, j'accompagne les sorties de classe." Ici on a alors l'impression d'une confession.

Par ailleurs, d'autres choses m'ont gênée au cours de cette lecture, en particulier dans la construction de l'histoire.
Premièrement, on a l'impression que plusieurs histoires se superposent : celle d'Adam Lanza, le tueur, celle d'Amanda Sthers racontant son périple dans New York, son amitié avec Sophie et ses sorties en boîtes et aventures sexuelles et enfin la pseudo  analyse politico-sociologique de la société américaine à travers la genèse de ses criminels. Du coup, on ne sait plus trop ce qu'on est en train de lire. S'agit-il d'un livre sur Adam Lanza ? d'une autobiographie ? d'un livre sur la société américaine ?

Enfin, comme l'ont dit mes confrères, toute cette théorie autour de cet assassin n'est développée et analysée que du point de vue de l'auteur. Il n'y a pas de mise en abîme, ni de parallèle établi avec les théories d'autres analystes. Ce simple état de fait, enlève donc toute valeur scientifique et toute crédibilité aux propos de l'auteur car du coup, tout le monde peut échafauder des théories à partir de tout et de n'importe quoi et tenter d'y apporter une preuve ou des arguments pour l'étayer ou l'infirmer.

Conclusion : le livre n'est pas à la hauteur de sa prétention.

En outre, je tiens quand même à souligner ses qualités car elles existent et ne sont pas négligeables. J'ai trouvé certains passages très intéressants pour la profondeur des réflexions qu'ils traduisent. De très belles phrases sont aussi à noter car l'auteur est loin d'être une débutante et le succès de son livre Chiken Street (que je n'ai d'ailleurs pas encore lu) l'a prouvé ainsi que son parcours de dramaturge. Dans Les Erections Américaines, la qualité de l'écriture est appréciable. Sa biographie sur Johnny était aussi très agréable à lire.

Je dirais simplement qu'avec ce roman, Amanda Sthers a visé trop haut et a manqué sa cible.

Un livre à lire pour continuer le débat.



Amanda Sthers - Les érections américaines.



20/04/2023
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